La loi du 11 juillet 2023 et l’arrêté royal du 19 novembre 2024 ont modifié notamment les règles de procédure applicables à la procédure en référé devant le Conseil d’État lesquelles s’appliquent aux procédures introduites depuis le le 1er janvier 2025.
Dans un arrêt du 17 janvier 2025[1], le Conseil d’État a donné certains enseignements en ce qui concerne le choix à opérer entre la procédure de suspension ordinaire ou d’extrême urgence dans le cadre d’un recours introduit devant lui.
Les faits
Le requérant avait introduit une demande de suspension suivant la procédure d’extrême urgence était à l’encontre d’un permis d’urbanisme délivré par le fonctionnaire délégué de la Région de Bruxelles-Capitale.
Celui-ci avait demandé au bénéficiaire du permis s’il comptait mettre en œuvre son permis et dans quel délai qui lui a répondu qu’il entamerait le chantier le 15 février 2025.
Sur base de cette information, le requérant avait introduit une demande de suspension en extrême urgence le 8 janvier 2025, soit 6 jours après avoir été informé officiellement de la mise en œuvre imminente du permis.
Les enseignements de la décision
Le Conseil d’État, dans son arrêt, considère qu’il convient d’appliquer l’article 17, § 5, nouveau des lois coordonnées sur le Conseil d’État dès lors que la demande de suspension est postérieure au 1er janvier 2025.
La Haute juridiction administrative se réfère ensuite aux travaux préparatoires de la loi du 11 juillet 2023 suivant lesquels le législateur a entendu limiter le recours à la procédure d’extrême urgence « aux affaires dans lesquelles un requérant démontre la nécessité d’agir dans un délai de quinze jours maximum »[2].
Suivant le Conseil d’Etat, en présence d’un permis d’urbanisme, le requérant doit vérifier de manière proactive quand le permis dont il souhaite l’annulation risque d’être mis en œuvre.
En l’absence d’information obtenue à cet égard, le requérant est en droit d’introduire, éventuellement concomitamment à son recours en annulation, une demande de suspension selon la procédure ordinaire, quitte, si les travaux commencent avant qu’un arrêt soit rendu sur la demande de suspension, à introduire une demande de suspension selon la procédure d’extrême urgence.
Lorsqu’il ne dispose d’aucun élément relatif au délai dans lequel le permis pourrait être mis en œuvre et qu’il n’effectue aucune démarche en vue d’obtenir cette information, il n’agit pas avec la diligence requise et ne peut plus introduire une demande de suspension selon la procédure d’extrême urgence lorsque le péril devient imminent[3].
S’il a fait diligence, l’introduction d’une demande de suspension suivant la procédure d’extrême urgence nécessite que le requérant démontre que le traitement de l’affaire par le Conseil d’Etat dans un délai excédant 15 jours sera impuissant à prévenir le péril qu’il craint.
En l’espèce, le requérant s’est bien informé auprès du bénéficiaire du permis en vue de connaître le début des travaux. Il constate toutefois que la requête en suspension d’extrême urgence est introduite le 8 janvier 2025 alors que le chantier ne débutera que le 15 février 2025. Il en résulte que le péril craint ne se réalisera pas avant cette date. Or, le délai entre les deux dates est supérieur à 15 jours.
La Haute juridiction en conclut dès lors qu’une procédure de suspension introduite, dans ces conditions, selon la procédure d’extrême urgence, est irrecevable[4].
Conclusion
Pour les procédures diligentées depuis le 1er janvier 2025, la recevabilité des demandes de suspension suivant la procédure d’extrême urgence doivent sont soumises à certaines conditions :
- Une condition de diligence : sauf l’hypothèse où les travaux démarrent, le requérant doit avoir fait diligence afin de savoir si et quand les travaux vont débuter;
- Une condition d’extrême urgence : le requérant doit démontrer que le péril qu’il craint en raison de la mise en œuvre de l’acte attaqué se réalise dans un délai égal ou inférieur à 15 jours depuis l’introduction de la demande;
- Une condition liée à l’urgence : justifier des conditions liées à l’urgence. Sa jurisprudence ne semble pas modifiée sur ce point.
A défaut, le requérant, qui veut obtenir la suspension du permis durant le cours de la procédure en annulation doit recourir à une procédure de suspension suivant la procédure ordinaire, laquelle est de nature à permettre le règlement de la situation avant que le préjudice craint ne se produise.
L’arrêt du Conseil d’Etat est disponible via le lien suivant http://chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/http://www.raadvst-consetat.be/Arrets/262000/000/262013Psd.pdf.
[1] C.E., n°262.013, 17 janvier 2025, C. V.
[2] Doc. parl., Chambre, 2022-2023, n° 55 3220/001, p. 11.
[3] Admettre la recevabilité de cette demande, dans ces conditions pourrait aboutir à ce que toute demande de suspension de l’exécution d’un permis d’urbanisme soit nécessairement introduite selon la procédure d’extrême urgence alors que le législateur a maintenu la procédure de suspension ordinaire et que la procédure d’extrême urgence doit rester exceptionnelle.
[4] Le requérant devant utiliser la procédure de suspension ordinaire.