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La Cour constitutionnelle rejette, par arrêt, n°156/2024, du 19 décembre 2024, le recours contre le nouvel article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat qui prévoit qu’un moyen sérieux soulevé dans le cadre de la procédure de référé administratif devant le Conseil d’État doit se prêter à une procédure accélérée dès lors que la disposition est interprétée comme ne pouvant avoir pour effet que cette juridiction, dans le cadre du référé administratif, refuse par principe d’examiner les moyens qui se rapportent à une question complexe ou technique et ceux dont l’examen nécessite une mesure d’instruction ou une question préjudicielle

Par un arrêt, n°156/2024, du 19 décembre 2024, considérant que, et donc, pour autant que la disposition soit interprétée comme ne pouvant avoir pour effet que le Conseil d’État, dans le cadre du référé administratif, refuse par principe d’examiner les moyens qui se rapportent à une question complexe ou technique et ceux dont l’examen nécessite une mesure d’instruction ou une question préjudicielle, le Cour constitutionnelle rejette le recours contre l’article 5 de la loi du 23 juillet 2023 qui modifie l’article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat en ce que cette disposition prévoit qu’à dater du 1er janvier 2024, un moyen sérieux soulevé dans le cadre de la procédure de référé administratif devant le Conseil d’État doit se prêter à une procédure accélérée.

Quatre requêtes avaient été introduites lesquelles sollicitaient l’annulation de l’article 5 de la loi du 11 juillet 2023 « modifiant les lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973 » (publiée au Moniteur belge du 24 juillet 2023).

L’article 17 de la loi du 12 janvier 1973, tel qu’il a été remplacé en dernier lieu par l’article 5 de la loi du 11 juillet 2023, dispose :
« § 1er. La section du contentieux administratif est seule compétente pour ordonner par arrêt, les parties entendues ou dûment appelées, la suspension de l’exécution d’un acte ou d’un règlement susceptible d’être annulé en vertu de l’article 14, §§ 1er et 3, et pour ordonner toutes
les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire.
La demande de suspension ou de mesures provisoires est introduite et traitée par la voie électronique, en tout cas, lorsque les parties sont assistées ou représentées par un avocat ou qu’elles sont une autorité visée à l’article 14, § 1er.

La suspension ou les mesures provisoires peuvent être ordonnées à tout moment :
1° s’il existe une urgence incompatible avec le traitement de l’affaire en annulation;
2° et si au moins un moyen sérieux est invoqué dont l’examen se prête à un traitement accéléré et qui est susceptible prima facie de justifier l’annulation de l’acte ou du règlement attaqué.

Par dérogation aux alinéas 1er et 3, la suspension ou les mesures provisoires ne peuvent être demandées après le dépôt du rapport visé à l’article 24. Toutefois, toute partie qui y a un intérêt peut dans ce cas adresser au président de la chambre saisie de l’affaire, une demande motivée en vue d’obtenir la fixation d’une audience en urgence. La demande de suspension ou de mesures provisoires introduite entre le dépôt du rapport et sa notification est assimilée à la demande motivée. Le président se prononce par ordonnance sur cette demande.

Si l’urgence paraît justifiée, il fixe l’affaire à brève échéance et au plus tard dans les soixante jours de la réception de la demande, et peut aménager les délais pour le dépôt des derniers mémoires.
[…]
[…]
[…] ».
§ 3. Les arrêts portant sur une demande de suspension ou de mesures provisoires ainsi que l’ordonnance visée au paragraphe 7 ne sont susceptibles ni d’opposition ni de tierce opposition et ne sont pas davantage susceptibles de révision.

Les arrêts par lesquels la suspension ou des mesures provisoires ont été ordonnées sont susceptibles d’être rapportés ou modifiés à la demande des parties.

§ 10. Il existe dans le chef de la partie requérante une présomption de désistement d’instance lorsque, la demande de suspension d’un acte ou d’un règlement ou la demande de mesures provisoires ayant été rejetée, la partie requérante n’introduit aucune demande de poursuite de la procédure dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt« .

Les parties requérantes critiquaient notamment la mesure au motif qu’elle entraînerait une restriction injustifiée du droit d’accès à un juge. En outre, cette restriction injustifiée de l’accès à un juge entraînerait une discrimination, puisque les justiciables dans d’autres procédures urgentes, telles que le référé civil, disposent encore d’une voie de recours permettant la révision d’une décision judiciaire.

La Cour constitutionnelle considère que lorsque le législateur organise une procédure de référé administratif, il doit veiller à ce que les conditions visant à faire droit à une action en référé ménagent un juste équilibre entre, d’une part, le droit d’accès au juge, y compris le droit à un recours effectif et, d’autre part, la spécificité de la procédure.

Bien qu’une procédure de référé administratif incite, eu égard à sa nature même, à un traitement accéléré de la demande d’un justiciable, et que, dans ce cadre, il faille également tenir compte des restrictions découlant du temps et des moyens limités à consacrer à la défense et à l’examen, cela ne peut avoir pour effet de limiter de manière disproportionnée l’accès du justiciable au juge et son droit à un recours effectif pour éviter les conséquences irréversibles d’un acte administratif.

Elle considère que, dès lors que l’exigence selon laquelle l’examen du moyen doit se prêter à un traitement accéléré constitue une restriction du droit d’accès au juge, elle doit être interprétée de manière restrictive et que contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, l’intention du législateur n’était pas d’éviter que les moyens concernant une question complexe ou technique soient examinés dans le cadre du contentieux de la suspension.

Suivant la Cour, le législateur entendait viser trois hypothèses.

La première hypothèse porte sur les moyens qui, en raison de leur nature complexe ou technique, exigent des « indications » supplémentaires de la part des parties requérantes. Le législateur incite par conséquent les parties requérantes à faire preuve de davantage de pédagogie lorsque leurs moyens se rapportent à de telles matières, pour que l’examen prima facie effectué par les magistrats puisse se dérouler dans des conditions favorables. Il estime en effet qu’il « ne peut être exigé du magistrat statuant en référé qu’il effectue cet examen sans les indications de la partie requérante dans une procédure caractérisée par la summaria cognitio ». Dès lors, si les parties requérantes veulent qu’un moyen complexe ou technique soit examiné dans le cadre du référé administratif, elles doivent fournir les explications nécessaires pour que l’examen du moyen se prête à un traitement accéléré. Il ressort également des travaux préparatoires mentionnés en B.14.4 que cette condition ne concerne pas l’étendue des développements du moyen ni son mode de formulation. Les moyens qui demandent davantage d’explications ne sont donc pas exclus par principe.

La deuxième hypothèse porte sur les moyens qui concernent une question technique et complexe qui ne peut être clarifiée sans la désignation préalable d’un expert. Sous cet angle, seuls les moyens techniques qui nécessitent la désignation d’un expert peuvent être considérés comme des moyens dont l’examen ne se prête pas à un traitement accéléré.

La troisième hypothèse concerne les moyens qui soulèvent une question préjudicielle, à moins qu’il se justifie de poser une question préjudicielle dès le stade du référé.

Pour la Cour constitutionnelle, il ressort de ce qui précède que l’application de la disposition attaquée ne pourrait avoir pour effet que le Conseil d’État, dans le cadre du référé administratif, refuse par principe d’examiner les moyens qui se rapportent à une question complexe ou technique et ceux dont l’examen nécessite une mesure d’instruction ou une question préjudicielle. Moyennant cette manière d’interpréter la disposition législative critiquée, celle-ci est constitutionnelle, de sorte qu’il appartient en outre au Conseil d’État d’appliquer la condition attaquée d’une manière qui soit conciliable avec le droit d’accès au juge.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle est disponible via le lien suivant : https://www.const-court.be/public/f/2024/2024-156f.pdf.

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