La Cour constitutionnelle a eu à se prononcer, dans son arrêt n° 120/2024 de ce 14 novembre 2024, quant savoir si le fait que le Code du développement territorial (CoDT) ne prévoit plus la notification de la décision sur les demandes de permis aux personnes qui ont réclamé dans le cadre des enquêtes publiques ou annonces de projet alors que tel était le cas sous la réglementation précédente (Code Wallon de l’Aménagement du Territoire de l’Urbanisme et du Patrimoine) ne violait pas l’article 23, alinéa 3, 4°, lu en combinaison ou non avec les articles 10 et 11, de la Constitution, avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 9 de la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.
La question qui se posait était de savoir si le fait que la notification était imposée par le passé et plus maintenant ne constituait pas un recul en ce qui concerne les obligations de « standstill » par rapport à l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement que consacrent ces dispositions.
En effet, les articles D.VIII.22 à D.VIII.27 du Code du développement territorial (CoDT), repris sous le chapitre V ‘publicité relative à la décision’ du titre I ‘participation du public’ de son livre VIII ‘participation du public et évaluation des incidences des plans et programmes’, ne prévoient pas la notification de la décision d’octroi ou de refus d’un permis d’urbanisme aux réclamants dans le cadre d’une enquête publique ou d’une annonce de projet, alors que l’article 343 du Code wallon de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et du Patrimoine (CWATUP) imposait une telle notification à la charge de l’administration communale, en sorte qu’en cas d’omission dans l’acte ou sa notification, de l’existence et des délais de recours, ainsi que des formes à respecter, le destinataire bénéficiait, en application de l’article 19, alinéa 2, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, du report de 4 mois de la prise de cours du délai de recours –, se posait la question de la violation de l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution et l’obligation de standstill qui y est contenue, lus ou non en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 9 de la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement ? » en raison de cette modification de situation du réclamant.
La Cour constitutionnelle a répondu à cette question par la négative.
Pour la Cour constitutionnelle, cette réduction de délai constitue bien une réduction des garanties prévues au bénéfice des réclamants et donc un recul significatif du degré de protection de l’accès à la justice en matière d’environnement et, par conséquent, du droit à la protection d’un environnement sain, qui est garanti par l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution.
Toutefois, la suppression de l’obligation de notifier aux réclamants la décision d’octroi ou de refus du permis d’urbanisme est justifiée par un objectif de simplification administrative qui s’inscrit dans le prolongement des objectifs généraux du CoDT.
En réalité, pour la Cour constitutionnelle, les réclamants, dans le cadre de l’enquête publique ne sont désormais plus soumis à un régime procédural différent de celui qui s’applique aux autres tiers au permis d’urbanisme. L’harmonisation du régime de prise de connaissance par les tiers allège considérablement la charge administrative des autorités qui instruisent les demandes de permis d’urbanisme soumises à des mesures particulières de publicité.
Le régime applicable à tous les administrés prévoit dorénavant que le délai de 60 jours prévu pour l’introduction du recours en annulation devant le Conseil d’État ne prend cours qu’à partir du moment où les réclamants disposent d’une connaissance suffisante du contenu du permis d’urbanisme pour préparer leur recours. Ils acquièrent notamment une connaissance suffisante du contenu du permis lorsque celui-ci leur est notifié volontairement par l’autorité compétente ou à leur demande.
En outre, la durée du délai de recours permet aux réclamants de rechercher les informations pertinentes relatives à l’existence d’un recours devant le Conseil d’État et aux formes et délais à respecter pour introduire ce recours. Les réclamants disposent également d’un délai suffisant pour apporter tout le soin nécessaire à la préparation de leur recours.
Pour la Cour constitutionnelle, il s’ensuit que l’absence, dans les dispositions en cause, d’une règle imposant aux autorités compétentes de notifier aux réclamants la décision relative à l’octroi ou au refus du permis d’urbanisme ne produit pas des effets disproportionnés au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi.
Dès lors, pour celle-ci, les dispositions en cause sont compatibles avec l’article 23, alinéa 3, 4°, lu en combinaison avec les articles 10 et 11, de la Constitution, avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 9 de la Convention d’Aarhus.
L’arrêt de la Cour constitutionnelle est consultable via le lien suivant : https://www.const-court.be/public/f/2024/2024-120f.pdf.