La directive UE 2024/1760 du 13 juin 2024 « sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859 »[1] contient des règles relatives aux obligations des entreprises en ce qui concerne les incidences négatives sur les droits de l’homme et aux incidences négatives sur l’environnement, qu’elles soient réelles ou potentielles, en ce qui concerne leurs propres activités, les activités de leurs filiales et les opérations réalisées par leurs partenaires commerciaux dans les chaînes d’activités de ces entreprises et l’obligation pour celles-ci d’adopter et de mettre en oeuvre un plan de transition pour l’atténuation du changement climatique qui vise à garantir, en déployant tous les efforts possibles, la compatibilité du modèle économique et de la stratégie économique de l’entreprise avec la transition vers une économie durable et avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C conformément à l’accord de Paris.
Entreprises visées
Principe
Les obligations reprises dans la directives que les Etats membres doivent transposer ont vocation à s’appliquer aux entreprises[2] qui emploient plus de 1 000 salariés en moyenne et réalisent un chiffre d’affaires net de plus de 450 000 000 d’euros au niveau mondial. Elle s’applique aussi aux entreprises qui n’atteignent pas ces seuils mais qui sont sociétés mères ultimes d’un groupe qui les atteint ainsi qu’aux entreprises qui opèrent au moyen d’ accords de franchise ou de licence dans l’Union en échange de redevances avec des entreprises tierces indépendantes ou qui sont sociétés mères ultimes d’un groupe qui a conclu de tels accords, lorsque ces accords garantissent une identité commune, un concept commercial commun et l’application de méthodes commerciales uniformes, et lorsque ces redevances atteignent plus de 22 500 000 euros et à condition que l’entreprise ait eu un chiffre d’affaires net de plus de 80 000 000 d’euros au niveau mondial ou qu’elles soient sociétés mères ultimes d’un groupe ayant un tel chiffre d’affaires.
Exemption
Lorsque la société mère ultime a pour activité principale la détention d’actions dans des filiales opérationnelles et ne prend pas part à la prise de décisions de gestion, opérationnelles ou financières, elle peut solliciter son exemption aux conditions suivantes :
- une des filiales de la société mère ultime établies dans l’Union doit être désignée pour remplir les obligations qui découlent de la directive ;
- la filiale désignée doit disposer de tous les moyens et pouvoirs juridiques nécessaires pour s’acquitter efficacement de ces obligations ;
- la société mère ultime demeure conjointement responsable avec la filiale désignée du non-respect, par cette dernière, des obligations qui lui incombent.
La société mère ultime demande l’exemption visée au premier alinéa du présent paragraphe à l’autorité de contrôle compétente qui évalue si les conditions visées[3].
Obligations mises à charge des entreprises
Mesures générales
Les États membres doivent faire entrer dans leur ordonnancement juridique certaines obligations relatives au devoir de vigilance en matière de droits de l’homme et d’environnement à charge des entreprises visées en prenant les mesures suivantes :
1. veiller à ce que les entreprises intègrent le devoir de vigilance dans toutes leurs politiques et tous leurs systèmes de gestion des risques pertinents et mettent en place une politique en matière de devoir de vigilance qui garantit un devoir de vigilance fondé sur les risques après concertation avec les salariés de l’entreprise et leurs représentants, qui contienne l’ensemble des éléments suivants:
– une description de l’approche de l’entreprise, y compris à long terme, en matière de devoir de vigilance;
– un code de conduite décrivant les règles et principes à suivre dans l’ensemble de l’entreprise et de ses filiales, et par ses partenaires commerciaux directs ou indirects ;
– une description des procédures mises en place pour intégrer le devoir de vigilance dans les politiques pertinentes de l’entreprise et mettre en oeuvre le devoir de vigilance, y compris les mesures prises pour vérifier le respect du code de conduite.
2. veiller à ce que les entreprises prennent des mesures appropriées pour recenser et évaluer les incidences négatives réelles et potentielles découlant de leurs propres activités ou de celles de leurs filiales et, lorsqu’elles sont liées à leurs chaînes d’activités, de celles de leurs partenaires commerciaux et prennent les mesures pour :
- cartographier leurs propres activités, celles de leurs filiales et, lorsqu’elles sont liées à leurs chaînes d’activités, celles de leurs partenaires commerciaux, afin de recenser les domaines généraux dans lesquels les incidences négatives sont les plus susceptibles de se produire et d’être les plus graves;
- procéder, sur la base de la cartographie une évaluation approfondie de leurs propres activités, de celles de leurs filiales et, lorsqu’elles sont liées à leurs chaînes d’activités, de celles de leurs partenaires commerciaux, dans les domaines dans lesquels les incidences négatives ont été recensées comme étant les plus susceptibles de se produire et les plus graves ;
3. veiller à ce que les entreprises prennent les mesures appropriées pour prévenir ou, lorsque la prévention n’est pas possible ou pas possible dans l’immédiat, pour atténuer de manière adéquate les incidences négatives potentielles qui ont été ou auraient dû être recensées ;
4. veiller à ce que les entreprises prennent les mesures appropriées pour mettre un terme aux incidences négatives réelles qui ont été ou auraient dû être recensées.
5. veiller à ce que, lorsqu’une entreprise a causé, seule ou conjointement, une incidence négative réelle, elle y apporte réparation.
6. veiller à ce que les entreprises permettent aux personnes et aux entités de déposer des plaintes auprès d’elles en cas de préoccupations légitimes quant aux incidences négatives réelles ou potentielles en ce qui concerne les activités des entreprises en question en permettant à tout le moins aux personnes suivantes de porter plainte :
– les personnes physiques ou morales qui sont touchées ou ont des motifs raisonnables de croire qu’elles pourraient être touchées par une incidence négative, et les représentants légitimes de ces personnes agissant en leur nom, tels que les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme;
– les syndicats et d’autres représentants des travailleurs représentant les personnes physiques travaillant dans la chaîne d’activités concernée;
– les organisations de la société civile qui sont actives et ont de l’expérience dans les domaines concernés lorsqu’une incidence négative sur l’environnement fait l’objet de la plainte.
7. veiller à ce que les entreprises procèdent à des évaluations périodiques de leurs propres activités et mesures, de celles de leurs filiales, de leurs partenaires commerciaux. Ces évaluations devront être fondées sur des indicateurs qualitatifs et quantitatifs et sont réalisées sans retard injustifié après qu’un changement important est intervenu, mais au moins tous les 12 mois et chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de croire que de nouveaux risques liés à ces incidences négatives peuvent survenir.
8. veiller à ce que les entreprises fassent rapport sur les questions couvertes par la présente directive en publiant sur leur site web une déclaration annuelle. Cette déclaration annuelle doit être publiée au plus tard dans les 12 mois qui suivent la publication du bilan de l’exercice concerné.
Des mesures d’accompagnement doivent être mises en place par les Etats membres notamment afin d’informer les PME qui pourraient être présentes dans la chaîne d’activité d’une entreprise concernée.
Mesures particulières relatives à la lutte contre le changement climatique
En ce qui concerne plus particulièrement la lutte contre le changement climatique, les États membres veillent à ce que les entreprises adoptent et mettent en oeuvre un plan de transition pour l’atténuation du changement climatique qui vise à garantir, en déployant tous les efforts possibles, la compatibilité de leur modèle et de leur stratégie économiques avec la transition vers une économie durable et avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5° C conformément à l’accord de Paris et à l’objectif de neutralité climatique tel qu’il est établi dans le règlement (UE) 2021/1119, y compris ses objectifs intermédiaires et à l’horizon 2050 en matière de neutralité climatique, et, le cas échéant, l’exposition de l’entreprise à des activités liées au charbon, au pétrole et au gaz.
La conception du plan de transition pour l’atténuation du changement climatique visé au premier alinéa contient des objectifs assortis d’échéances liées au changement climatique pour 2030 et par étapes quinquennales jusqu’en 2050, sur la base de données scientifiques concluantes et, le cas échéant, des objectifs absolus de réduction des émissions de gaz à effet de serre et une description des leviers de décarbonation recensés et des mesures clés prévues pour atteindre les objectifs en question, y compris, le cas échéant, les modifications du portefeuille de produits et de services de l’entreprise et l’adoption de nouvelles technologies.
Une explication et une quantification des investissements et des financements soutenant la mise en oeuvre du plan de transition pour l’atténuation du changement climatique et une description du rôle des organes d’administration, de gestion et de surveillance en ce qui concerne le plan de transition pour l’atténuation du changement climatique.
Les entreprises qui déclarent un plan de transition pour l’atténuation du changement climatique conformément à sont réputées avoir respecté l’obligation d’adopter un plan de transition pour l’atténuation du changement climatique.
Les États membres veillent à ce que le plan de transition pour l’atténuation du changement climatique soit mis à jour tous les 12 mois et contienne une description des progrès accomplis par l’entreprise en ce qui concerne la réalisation des objectifs de limitation du réchauffement à 1,5°C et de neutralité carbone à l’horizon 2050.
Contrôle, sanctions financières et responsabilité civile
Sanctions financières
Chaque État membre détermine le régime des sanctions, y compris les sanctions pécuniaires, applicables aux violations des dispositions nationales adoptées conformément à la directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre de ces sanctions. Lorsque des sanctions pécuniaires sont imposées, elles sont fondées sur le chiffre d’affaires net au niveau mondial de l’entreprise. Le plafond maximal des sanctions pécuniaires est de 5 % au moins du chiffre d’affaires net mondial réalisé par l’entreprise au cours de l’exercice précédant la décision d’infliger une amende.
Autorités de contrôle et collaboration entre les autorités de contrôle
Chaque État membre désigne une ou plusieurs autorités de contrôle chargées de surveiller le respect des obligations par les entreprises.
La Commission est chargée de mettre en place un réseau européen d’autorités de contrôle, composé de représentants des autorités de contrôle. Le réseau européen d’autorités de contrôle facilite la coopération des autorités de contrôle ainsi que la coordination et l’alignement des pratiques des autorités de contrôle en matière de réglementation, d’enquête, de sanction et de surveillance et, le cas échéant, le partage d’informations entre elles.
La Commission peut inviter les agences de l’Union disposant de l’expertise nécessaire dans les domaines couverts par la présente directive à rejoindre le réseau européen d’autorités de contrôle.
Les États membres travaillent de concert avec le réseau européen d’autorités de contrôle dans le cadre de recensement et de la vérification du respect des réglementations prises en vertu de la directive par les entreprises.
Responsabilité civile
La directive prévoit que les Etats membres doivent prendre les mesures nécessaires pour que les entreprises qui manquent, intentionnellement ou par négligence, aux obligations prévues par la directive occasionnent un dommage aux intérêts juridiques d’une personne physique ou morale qui sont protégés par le droit national.
Les Etats membres veillent à ce que le délai de prescription pour l’introduction d’actions en dommages et intérêts au titre de la directive soit d’au moins cinq ans et, en tout état de cause, ne soit pas inférieur au délai de prescription prévu par les régimes nationaux généraux de responsabilité civile
Dispositions plus strictes
Les Etats membres peuvent prendre des dispositions plus strictes dans leur législation nationale.
Entrée en vigueur et mise en oeuvre de la directive
La directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le soit le 25 juillet 2024.
Les États membres adoptent et publient, au plus tard le 26 juillet 2026, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive et communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.
Ils appliquent ces dispositions de la directive, dans le cadre de sa transposition comme suit:
– à partir du 26 juillet 2027 en ce qui concerne les entreprises qui emploient plus de 5 000 salariés en moyenne et qui ont généré un chiffre d’affaires net mondial de plus de 1 500 000 000 EUR au cours du dernier exercice précédant le 26 juillet 2027 ;
– à partir du 26 juillet 2028 en ce qui concerne les entreprises qui employent plus de 3 000 salariés en moyenne et qui ont généré un chiffre d’affaires net mondial de plus de 900 000 000 EUR au cours du dernier exercice précédant le 26 juillet 2028 ;
– à partir du 26 juillet 2029 en ce qui concerne toutes les autres entreprises visées par la directive.
La directive peut être consultée via le lien suivant : Directive – UE – 2024/1760 – FR – EUR-Lex (europa.eu).
[1] JOUE, 5 juillet 2024.
[2] Sujet de droit d’un Etat membre ou pas.
[3] Existence d’une filiale désignée pour remplir les obligations de la directive et disposant des moyens et pouvoirs juridiques pour ce faire.